Une ville d’origine romaine
La Gaule est conquise par César (Jules) vers 56-55 avant JC, mais c’est Auguste, son successeur qui est à l’origine de la fondation de Vorgium dans les premières années de notre ère (entre 10 et 20 après JC probablement).
La ville est construite au cœur de l’importante cité des Osismes dont elle devient le chef-lieu. Il est possible que le site ait été habité avant la conquête mais, à ce jour, très peu de traces d’occupation pré-romaines ont été découvertes. Vorgium, capitale de la cité, est dotée d’un plan orthogonal caractéristique de l’urbanisme romain. Les rues (une dizaine ont été repérées à ce jour) forment un maillage régulier de part et d’autre des deux axes principaux : le cardo (nord-sud) et le décumanus (est-ouest).
La Pax Romana, période de paix, que connaît l’empire à partir de Ier siècle est propice à l’essor économique de la Gaule en général et donc bien sûr de l’Armorique (exploitation de minerais, fabrication du garum…)
Un réseau routier dense est opérationnel dès le milieu du Ier siècle et Vorgium en est le cœur. L’activité économique suit, la population augmente. Les besoins en eau se font alors considérables. Un premier aqueduc long de 11 kilomètres est construit mais il s’avère vite insuffisant ce qui nécessite la réalisation d’un second ouvrage au IIIème siècle. Il est long de 27 kilomètres et a un débit de 6000 m3 par jour. Il servait à alimenter les fontaines et les thermes de la ville. L’eau provenait de sources des crêtes dominant Paule et Glomel. On sait que l’aqueduc qui alimentait Pompéi avait un débit de 6000 à 6500 m3 par jour, ce qui voudrait dire que la population de Vorgium devait être sensiblement égale, soit 10 000 habitants environ.
Cette prospérité ne dure pas car à la fin du IIIème siècle l’empire connaît une grave crise. La ville décline, les bâtiments ne sont plus entretenus et il semble que Vorgium perde beaucoup de son importance. L’hypothèse la plus communément admise est que les nombreux raids sur les côtes de l’empire aient conduits les empereurs à revoir leur stratégie défensive. La ville aurait alors perdu son statut de capitale au profit de Brest, fondée pour défendre le littoral. Malgré cela, les fouilles récentes ont montré que Vorgium n’avait pas été totalement abandonnée comme on l’a pensé pendant longtemps. La ville antique a laissé une empreinte durable : elle sert de base à la cité médiévale. Plusieurs des axes majeurs reprennent clairement d’anciennes voies romaines.
L’immigration bretonne
Les Bretons de l’Île de Bretagne viennent s’installer en Armorique en particulier au Vème siècle. Ils fondent les paroisses primitives (les plous), d’abord sur le littoral puis à l’intérieur des terres. C’est ainsi que, sur les vestiges de l’ancienne capitale des Osismes, est fondée la paroisse de Plouguer qui encercle de son territoire le noyau urbain antique.
L’origine de cette paroisse est assez mal connue de même que les premiers siècles de son histoire. C’est en tant que praefectus de Childebert 1er (511-558) que Conomor, prince semi-légendaire du Poher, aurait gouverné la partie occidentale de la Britta Minor ainsi que la Domnonée insulaire. Carhaix est donnée comme l’une de ses résidences. D’après la légende, ce charmant personnage avait pris l’habitude de tuer ses épouses sitôt celles-ci enceintes afin de démentir la prophétie qui prédisait sa mort perpétrée par son fils. La dernière aurait été Trefin, mère de Tremeur…
La ville médiévale
Quelques campagnes de fouilles, mais surtout une analyse approfondie de sources permettent de dessiner de manière de plus en plus précise la ville de Carhaix pendant la période médiévale. Il est acquis que la cité s’organisait autour de 4 grands ensembles :
▪ Le château, pouvant être daté, d’après les techniques de construction retrouvées grâce aux fouilles, entre la fin du Xème et le XIIème.
▪ Le prieuré, sans doute fondé par des moines venant de Saint Gildas de Rhuys dans la seconde moitié du XIème.
▪ Plouguer
▪ Le faubourg de Saint Quijeau, attesté dès 1084.
De 1342 à 1363 la ville est prise et reprise par les troupes anglaises ou françaises en raison de son intérêt stratégique. En effet la garnison carhaisienne est une menace permanente pour les éventuels assiégeants des places maritimes. Pour investir les ports il faut se rendre maître de Carhaix ou bloquer la ville.
L’ancien régime
Ville ducale depuis 1066, puis royale, Carhaix concentre des fonctions administratives, judiciaires et militaires qui en font la capitale du Poher. Depuis le début du XVIème, la ville est le siège d’une cour royale de justice, dirigée par un sénéchal, représentant direct du roi. En 1565, la juridiction couvre une soixantaine de paroisses réparties en 5 barres : Carhaix, Duault, Huelgoat, Landeleau et Gourin. De plus, en 1669 est installée à Carhaix une Maîtrise de Eaux et Forêts, chargée de la gestion des bois, de la chasse et de la pêche sur toute la juridiction. Enfin, ville de garnison, Carhaix accueille entre autres les troupes de réserve prévues pour la défense de côtes.
En 1549, le château « inutile et de nul revenu ne proufilt » tombe en ruines. On compte 95 habitations dans la ville, il y en aura plus de 400 deux siècles plus tard. Néanmoins la population reste faible : 1600 habitants en 1667.
La ville est durement éprouvée par les guerres de la Ligue (1590-1598). Elle est pillée par les Royaux de La Tremblaye et Du Liscouet et en 1592, La Fontenelle se retranche à St Trémeur et pille Carhaix et son arrière-pays. Par la suite la ville panse ses plaies. La maison du sénéchal est reconstruite en 1606 grâce à l’aide de Henri IV qui veut ainsi remercier les Carhaisiens d’avoir pris son parti.
La Contre-Réforme va amener plusieurs ordres : Ursulines en 1644, Hospitalières en 1663, Carmes Déchaussées en 1677 rejoignent ainsi les Augustins présent à Carhaix depuis 1372.
En 1675 la révolte des Bonnets Rouges, conséquence d’une pression fiscale accrue, tourne à l’émeute anti-nobiliaire. Carhaix, en partie refortifiée, devient ville de garnison.
L’économie
Carhaix est aussi une place commerciale réputée dont le pouvoir d’attraction s’étend jusqu’en Normandie. Noël Du Fail, dans ses Propos rustiques dit « qu’il n’est de bon bœuf qu’à Carhaix ». Des troupeaux sont acheminés de la capitale du Poher jusqu’à la capitale du royaume (ce qui vaut même à la ville son blason) et neuf foires attirent chaque année les marchands des évêchés voisins. La région produit lin et chanvre, et plusieurs tanneries et moulins (à foulon, à blé et à papier) étaient installés sur les bords de l’Hyères, notamment à Petit Carhaix.
Pourtant, dès la fin du XVIIème cette activité décroît. La ville est peuplée d’officiers de justice et de finances mais ne génère plus d’activités industrielles.
La révolution
La révolution se révèle catastrophique pour la ville. Elle est amputée de la plus grande partie de sa juridiction par le découpage départemental et la création des arrondissements en 1790.
Elle ne sera même pas retenue comme sous-préfecture et ne sera que chef-lieu de canton.
La belle endormie…
Le XIXème sera bien somnolent pour la cité du Poher. La population stagne : 1700 habitants en 1800, 2000 en 1851. La construction du canal de Nantes à Brest n’a qu’un impact limité.
Ce n’est qu’au début du XXème que la ville va retrouver son dynamisme d’antan grâce au réseau ferroviaire mis en place à l’époque. Ce réseau en étoile, dont Carhaix est le centre, dessert toute la Bretagne intérieure. Jusqu’à 70 personnes travaillent pour le réseau breton. La population de la ville est multipliée par 2 en 30 ans. Toute la partie basse de la ville, les quartiers autour de la gare, sont créés à cette époque. C’est d’ailleurs en 1948 que, à l’initiative de Polig Montjarret, fut fondé le 1er bagad , appelé Kevrenn SNCF car composé essentiellement de cheminots.
Mais cette prospérité est de courte durée. Concurrencé par le transport routier, le réseau ferré est démantelé à la fin des années 60.
Aujourd’hui, Carhaix est toujours « capitale » du Poher. S’appuyant sur le succès des Vieilles Charrues, le tourisme vert, la ténacité de ses habitants, un commerce actif, la ville repart de l’avant…